Orges brassicoles Une filière fragilisée
Après une année 2024 difficile pour l’export français d’orge et de malt, comment se présente la campagne 2025 ? Les traders de Soufflet et les experts d’Arvalis nous livrent des éléments de réponse.
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« Nous avons beaucoup de grains et nous avons raté des opportunités de commercialisation en 2024 », regrettait Alexis Garnot, trader orge pour Soufflet Négoce by InVivo, lors du colloque Orges brassicoles, organisé par Arvalis et ses partenaires, jeudi 3 avril, à Orléans (Loiret). Et d’ajouter : « 2024 aura été un alignement de planètes de mauvaises nouvelles ! »
Dans le sillage de la production, les exportations d’orges françaises sur 2024-2025 sont en net recul par rapport à la campagne précédente. Seulement 5 Mt estimées par FranceAgriMer, soit une baisse de 26 % par rapport à 2023-2024 (-41 % vers les pays tiers et -7 % vers l’Union européenne). « L’Australie a ouvert de nouveaux marchés en Amérique du Sud et au Mexique. Nous en pâtissons. Nous n’avons pas été assez compétitifs », ajoute le trader de Soufflet. En ce début de printemps, il reste un disponible de la récolte 2024 très confortable.
Le malt dans la tourmente
Pour le malt, le contexte est différent, mais tout aussi morose. Les flux mondiaux baissent de façon constante depuis 2022 (-5 % par an). Les exportations européennes suivent la même tendance (- 3 % en 2024), ce qui inquiète Robert N’Soga Ngue, analyste chez Soufflet Malt. « La concurrence est de plus en plus forte. Les exportations chinoises sont en forte croissance, de 41 %, malgré le recul du marché. » Ajoutons que la demande mondiale de bière est atone. Sur le marché français, la consommation a chuté pour la deuxième année consécutive en 2024 (-3 % par rapport à 2023). La France reste le deuxième exportateur mondial d’orge et le leader des exportations de malt, mais jusqu’à quand ? « Est-ce un épisode conjoncturel ou bien structurel ? », s’interroge le trader.
Des semis en baisse de 5 %
Dans cette tourmente, quelles sont les perspectives de la filière pour 2025 ? Les surfaces d’orge d’hiver ont baissé de 2 % au niveau européen et de 5 % au niveau français. Les semis ont été réalisés dans des conditions correctes (lire ci-dessous). Sans aléas climatiques, la production d’orges d’hiver brassicoles en Europe pourrait atteindre 489 000 t et 780 000 t pour les orges de printemps. « C’est suffisant pour tenir l’ensemble de la campagne, mais sans marge de manœuvre en cas d’aléas climatiques », commente Alexis Garnot.
Au niveau mondial, le spécialiste table sur une production de 144 Mt d’orge, dont 28 Mt brassicoles, ce qui devrait être suffisant pour répondre aux demandes. La production australienne est une nouvelle fois attendue comme volumineuse, ce qui conforterait un prix à la baisse. Toutefois, les États-Unis pourraient céder du terrain en Chine. « Avec les annonces de Trump, il va y avoir des phénomènes de substitution. Il est encore trop tôt pour analyser exactement les nouveaux flux, mais il est possible que la baisse de consommation du sorgho américain se reporte sur l’orge fourragère », ajoute le trader.
Une compétitivité un peu juste
À court terme, les perspectives de FranceAgriMer sont plutôt encourageantes pour l’orge française, avec des départs prochains pour la Jordanie, la Tunisie ou le Maroc. Des incertitudes subsistent néanmoins. L’origine française est-elle assez compétitive pour retrouver des parts de marché ? À l’international, la ferme France maintient des coûts de production relativement faibles grâce à des bons rendements et aux aides directes de la Pac, selon une étude que vient de publier Arvalis sur la compétitivité de la production d’orge. « La prime brassicole de 50 €/t est actuellement peut-être un peu chère dans le contexte de marché présent », alerte Alexis Garnot.
Quant aux exportations de malt, peuvent-elles retrouver la dynamique des années passées ? La Chine se déploie de plus en plus sur les marchés africains. « L’Afrique est un marché qui va doubler dans les prochaines années, et nous, Européens, nous sommes déjà bien implantés », souligne Robert N’Soga Ngue. Soufflet Malt vient d’ailleurs d’annoncer la construction d’une malterie en Afrique du Sud pour un coût total de 100 M€, en plus de celle installée en Éthiopie. « Mais au regard de sa compétitivité extrêmement forte, la Chine pourrait nous prendre des parts de marché », relativise l’analyste. Autre piste pour maintenir le leadership mondial de la France : se différencier par son bilan carbone. Les brasseurs internationaux se sont engagés à réduire leur émission de CO2, ce qui devrait profiter aux malteurs français et européens.
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